
CABRI s’est associée à la Trésorerie nationale sud-africaine et au FMI pour accueillir le premier Forum fiscal africain, auquel ont participé 14 des membres participants de CABRI. Le forum a eu lieu les 9 et 10 novembre 2011 au Cap et a suivi la publication de l’édition d’octobre des Perspectives économiques régionales pour l'Afrique subsaharienne du FMI, intitulée « Maintenir la croissance ». Étant donné le succès qu’a connu ce forum, nous espérons qu'il sera le premier d'une longue série.
Le forum a été l’occasion pour les délégués des pays participants, le FMI et les représentants d'autres organisations internationales d’échanger des points de vue sur les défis actuels et futurs de la politique budgétaire. Les discussions ont largement porté sur la manière dont l'Afrique peut se préparer à faire face au prochain choc économique. Les expériences ont été partagées par des hauts fonctionnaires du budget de l'Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée, Sierra Leone, Libéria, Ghana, Bénin), de l’Afrique de l'Est (Éthiopie, Malawi), de l'Afrique centrale (Gabon) et de l'Afrique australe (Maurice, Seychelles, Zimbabwe, Mozambique, Afrique du Sud). Ce partage d’expériences ainsi que des réunions-débats et des présentations de l'OCDE, de la Banque africaine de développement, de l'Université d'Oxford et du FMI, ont abouti à une plate-forme animée, siège de nombreuses discussions.
Se préparer au prochain choc…
Un des risques majeurs auquel fait face l'Afrique subsaharienne à l’avenir, concerne le danger d'un ralentissement de l'activité économique dans le monde développé, qui aura des répercussions sur le continent de deux façons principales. Premièrement, cela signifie un ralentissement de la demande des biens et services africains sur les marchés d'exportation traditionnels. Certes, cet effet peut, comme au cours de la crise passée, être atténué par la montée en puissance d’économies émergentes en tant que partenaires commerciaux. Deuxièmement, le ralentissement de la croissance dans le monde développé peut signifier une perturbation des flux d'aide, car les pays donateurs traditionnels pourraient reconsidérer certains de leurs engagements d'aide.
Un autre risque couru concerne l’éventualité d’un choc des matières premières, principalement par le biais de fortes hausses des prix des produits alimentaires et des carburants, ce qui laisserait l'Afrique particulièrement vulnérable. À son tour cette situation, pose un problème d'inflation excessive et la surchauffe économique dans certains pays. Dans ce contexte, le cas de l'Éthiopie où le FMI s'attend à ce que l'inflation annuelle globale atteigne 31% l'année prochaine, a été débattu et, la question de savoir comment accroître la croissance tout en réduisant l'inflation, a été abordée. Le délégué de l'Éthiopie a estimé que réduire la croissance pour modérer l'inflation correspondrait à « couper le pied pour qu’il entre dans la chaussure, plutôt que de trouver chaussure à son pied». Les discussions ont conclu que l'identification des sources de l'inflation était essentielle, ainsi que le maintien d’une gestion globale saine de l'économie. Dans le cas de l'Éthiopie, dans le passé, la baisse de l'inflation globale, en général, coïncide avec le fléchissement du choc des cours des matières premières (par exemple, l'inflation était de 36,4% au cours de l’exercice 2009, puis de 2,8% au cours de l’exercice 2010).
Comment se préparer au prochain choc ?
Les discussions ont soulevé la question d’une gestion des risques plus efficace par les gouvernements afin de s'assurer que leur politique budgétaire soit anticyclique (ou contracyclique). Les gouvernements peuvent aussi évaluer les évolutions conjoncturelles, mettre en place des projections de dépenses pluriannuelles ou établir des règles budgétaires afin de mieux atténuer les risques. Bien que ces règles ne soient pas synonymes d’engagements politiques, elles sont importantes pour permettre aux gouvernements d'être tenus responsables en ouvrant le débat budgétaire à la société civile et aux institutions de supervision. Au-delà des règles budgétaires, d'autres possibilités, telles que les fonds de stabilisation, les lignes de crédit préventives et les opérations de couverture, devraient être examinées.
Les délégués ont souligné la nécessité d'accroître l'espace budgétaire pour permettre des dépenses discrétionnaires lorsque le prochain choc se produira. Dans cette optique, les gouvernements, à travers le continent, ont été invités à changer leur politique budgétaire d’une position actuelle modérément expansionniste à une position plus neutre. Les discussions ont également porté sur la nécessité de garder à l'esprit les questions relatives à la viabilité de la dette, lors de la projection des dépenses publiques futures. Cette démarche peut être effectuée, par exemple, en calculant le solde budgétaire primaire nécessaire à la stabilisation de la dette publique brute.
Comment créer l’espace budgétaire?
Les gouvernements peuvent créer un espace budgétaire en combinant tout ou partie des actions suivantes :
- Stimuler la mobilisation des recettes et établir une assiette de l’impôt stable. Fait encourageant, dans la plupart des pays africains, il semble possible d'augmenter les recettes fiscales de manière significative, par exemple grâce à la TVA ;
- Améliorer la qualité des dépenses et la gestion financière publique;
- Protéger les dépenses prioritaires, telles que les dépenses de santé, d'éducation et d’infrastructures ;
- Élaborer des dispositifs ciblés de protection sociale ; et,
- Accélérer les réformes fiscales.
Comment faire face aux chocs, en particulier, des cours des matières premières ?
Plusieurs solutions ont été proposées dans le but d’atténuer les effets des chocs des cours des matières premières. Il s'agit notamment de subventions destinées aux prix des produits alimentaires et des carburants, la gestion des stocks des matières premières, la création d'un fonds de stabilisation ou d'un fonds souverain, la constitution de réserves et l’investissement dans des instruments dérivés sur matières premières. Néanmoins, la question a été soulevée qu’en ce qui concerne cette dernière solution, dans certains pays, la capacité pourrait ne pas être suffisamment solide pour gérer efficacement lesdits instruments. La plupart de ces solutions exigent également un environnement favorable et réglementaire global. Pendant ce temps, l'expérience a montré, dans le cas du Gabon par exemple, que les subventions octroyées aux prix des produits alimentaires et des carburants peuvent être très coûteuses. Il semblerait qu’il existe un consensus selon lequel les fonds de stabilisation peuvent être une approche plus favorable. Pour un tel fonds, l'argent est mis de côté durant un boom des matières premières et le fonds peut être utilisé en période de récession pour atténuer les effets d'un choc. Quelques exemples de meilleures pratiques ont été soulevés, tels que la contingence de recettes au Mozambique et le Cocobod (ou Cocoa Board) au Ghana, afin de stabiliser les recettes du cacao.
Une perspective à plus long terme pour faire face aux chocs des matières premières est de diversifier l'économie en s’éloignant de la production d’une seule matière première principale, ainsi que d'investir dans la valeur ajoutée, car les prix des produits à valeur ajoutée ont tendance à être plus stables et à permettre la création d'emplois. En outre, l'intégration régionale représente une opportunité, vu la nécessité d’atteindre un plus grand marché pour soutenir certaines opérations. Dans ce contexte, le représentant du pays du Malawi, M. Winford Masanjala, a très bien formulé le problème auquel sont confrontés de nombreux pays africains (et plus particulièrement le Malawi, qui dépend essentiellement de sa production de tabac) : « nous produisons ce que nous ne consommons pas et nous consommons ce que nous ne produisons pas ». Pour essayer de diversifier, le Malawi se tourne vers la production de coton et investit dans les pois d’Angole.
Comment encourager le financement durable du développement?
La valeur ajoutée nécessite des investissements technologiques et de capitaux. Ces derniers devraient être une composante essentielle des stratégies de développement des pays » (notamment, les investissements en infrastructures), ce qui permettra d'améliorer la compétitivité. La nécessité d'investir dans des projets d’investissements pose également la question du financement. Étant donné que la prévisibilité et la fiabilité des flux d'aide suscitent des inquiétudes croissantes, il faut examiner la possibilité de l’emprunt non concessionnel, à la fois intérieur et extérieur, quoiqu’à un coût plus élevé.
Lors de l’examen des différentes options, le financement doit toujours être considéré au cas par cas et pays par pays. La discussion a également mis en exergue le point suivant : investir dans des projets d’investissements nécessite de renforcer le cycle de gestion de projets, grâce à l’appréciation, la sélection, la mise en œuvre et l'évaluation efficaces des projets, en vue d’assurer l’optimisation des ressources et le rendement des capitaux investis.