Le paysage géopolitique actuel présente aux gouvernements africains des défis de plus en plus importants en matière de développement économique et social, notamment en raison des pressions inflationnistes, du changement climatique, des crises sanitaires, des changements politiques importants. Dans ce contexte, il est essentiel que les gouvernements s'approprient davantage leurs programmes de réformes, réduisent leur dépendance vis-à-vis des formes d'aide imprévisibles et adoptent des processus de GFP plus souples et plus agiles qui peuvent relever ces défis complexes.
Cependant, les institutions publiques privilégient souvent la certitude, la conformité et les règles établies dans les processus du secteur public. Ces règles facilitent la répétition efficace des tâches et contribuent à garantir l'équité dans les fonctions critiques des finances publiques et des politiques. Cependant, elles peuvent également entraver l'innovation et l'adoption d'approches expérimentales dans des environnements complexes. La déclaration de M. Bah met en exergue la tension inhérente entre le besoin de stabilité et d’obligation de rendre compte dans les pratiques du secteur public et la nécessité de faire preuve de souplesse et d'adaptabilité dans un monde en perpétuelle évolution. Il est essentiel de reconnaître cette dynamique pour favoriser un environnement qui encourage l'innovation tout en préservant les valeurs fondamentales de la fonction publique.
Ce constat fait écho aux conclusions que les équipes-pays de la Côte d'Ivoire, de la Guinée, du Kenya et de Maurice ont partagés lors de l'atelier d’évaluation des progrès (AEP) du Programme « Renforcer les compétences en finances publiques (RCFP) ». L’AEP représente l'aboutissement de 12 mois d'un parcours d'apprentissage par l'action qui voit les équipes former des coalidtions et renforcer les compétences au niveau local, alors qu'elles s'attaquent à des problèmes de finances publiques identifiés localement, en appliquant l'approche PDIA (Adaption itérative pour la résolution de problèmes). L’atelier a donné aux équipes l'occasion de faire part des progrès qu’elles ont réalisés dans le cadre de la résolution de ces problèmes ainsi que de leur réflexion sur l'application d'une approche de réforme dirigée localement, axée sur les problèmes et adaptative, d'une manière qui tienne compte de la complexité de leurs environnements locaux. Le tableau ci-dessous présente quelques-unes des principales réalisations des équipes au cours du programme.
Bien que le programme officiel ait pris fin, les équipes vont maintenant continuer à diriger ces initiatives locales et à diffuser cette approche auprès de départements et d'agences plus larges.
Côte d’Ivoire
« La problématique de la mobilisation des recettes fiscales et le service de la dette publique pourraient réduire l’espace budgétaire nécessaire au financement des investissements » |
- L'équipe a identifié la nécessité d'améliorer la surveillance de la conformité des sociétés qui ont déjà bénéficié d'exonérations ou de dépenses fiscales comme l'un des principaux facteurs de la faible mobilisation des recettes. L'équipe a proposé une fonction de classification dans le système fiscal national pour faire la distinction entre les exonérations légales et conventionnelles afin de mieux comprendre et distinguer les diverses obligations de conformité de ces sociétés – cette proposition a été faite en consultation avec l'administration fiscale ivoirienne.
- L’équipe a identifié les insuffisances de capacités de gestion et de suivi des exonérations et a conçu conjointement avec les agents des impôts des mécanismes de formation et de suivi ciblés.
- Enfin, dans le cadre des pratiques de gestion de la dette, l'équipe a relevé l'utilisation limitée d'un fonds public existant pour entreprendre des études de faisabilité pour des projets financés par la dette publique et a commencé à en faire la promotion afin de trouver d'autres sources de financement pour des projets particuliers.
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Guinée
« Le niveau des arriérés des dettes fournisseurs de l’exercice 2024, fait deux fois le montant des dépenses d’investissements des départements de la Santé, de l’Education, de l’Environnement et de la Promotion Féminine et de l’Enfance » |
- L'équipe a identifié que l'un des plus grands défis liés au non-paiement des arriérés se rapporte au fait que les MDA ne budgétisent pas ces postes dans le budget annuel – par crainte que cela n'ait un impact sur les allocations aux programmes nouveaux ou en cours. Cette situation est encore aggravée par le manque d'engagement entre le ministère du Budget et des Finances et de la Planification avec les ministères sectoriels au cours de la phase de préparation du budget, s'appuyant presque entièrement sur une approche descendante de la budgétisation. En mars 2025, des conférences budgétaires ont eu lieu pour la première fois depuis de nombreuses années, au cours desquelles l'équipe a organisé une séance pour souligner la gravité du problème et illustrer comment l'absence de budgétisation des arriérés de paiement a un impact négatif sur les décisions d'allocation et sur l’exécution par les MDA au cours de l'exercice.
- L'équipe a pour objectif de continuer à soutenir les ministères dépensiers tout au long du calendrier budgétaire afin de réduire l'accumulation des arriérés.
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Kenya
« Des pratiques inefficientes de gestion de la trésorerie entraînent des coûts insoutenables du service de la dette intérieure » |
- L'équipe a identifié la nécessité de renforcer la communication interne au sein du Trésor public (TP) et des MDA, c'est-à-dire les principaux départements/unités impliqués dans la gestion de la trésorerie afin d'améliorer la coordination entre les départements chargés des plans de travail, des plans de trésorerie et des plans de passation des marchés – elle a élaboré une recommandation pour une circulaire afin d'orienter les révisions des plans de trésorerie, des plans de passation des marchés et des révisions des plans de travail par rapport aux révisions du budget.
- Dans le cadre de ses consultations avec l'unité de gestion de la trésorerie, l'équipe a sensibilisé le comité de gestion de la trésorerie à suivre plus activement les décaissements de la gestion de la trésorerie et à examiner régulièrement la dette et d’autres plans de trésorerie et budgets.
- L’équipe a identifié des inefficiences découlant de la révision par les entreprises d'État (EE) de leur budget afin d'utiliser l'excédent pour investir dans des obligations d'État (et donc de transférer une part moindre de leurs revenus au fonds central). Elle a également publié une circulaire ordonnant qu'aucune EE ne réaffecte les dépenses d'investissement à l'excédent de fonctionnement sans l'approbation écrite du Trésor public. Par ailleurs, elle a proposé d'examiner les transferts en cours d’exercice des EE, au cas par cas.
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Maurice
« Sous-utilisation des crédits et faible taux d'exécution des projets d’investissement, la moitié des grands projets d’investissement étant retardés » |
- Afin de remédier au manque de mesures correctives prises lors du suivi des dépenses et d'accroître la transparence budgétaire et l’obligation de rendre compte, l'équipe a consulté l'équipe du Programme d'investissement du secteur public (PSIP) pour publier trimestriellement la performance financière des projets d'investissement à partir de l'exercice 2025/26, en se concentrant initialement sur les grands ministères ayant des projets d'investissement de grande envergure. On s'attend à ce que cela incite les comptables à prendre des mesures proactives pour résoudre les problèmes au niveau de leur ministère.
- L’équipe a proposé d'inclure une participation plus large de l'Unité PSIP, des ingénieurs de l'Unité de gestion des investissements publics (PIMU), des équipes de soutien aux ministères sectoriels (SMST) et de l'équipe centrale aux réunions des comités des prévisions budgétaires pendant la la phase de préparation du budget pour le prochain budget, afin d'assurer des allocations budgétaires plus réalistes fondées sur l'état de préparation des projets, leur maturité et les données de suivi pour réduire le surprovisionnement des projets qui ne sont pas encore prêts à être mis en œuvre.
- L'équipe a encouragé une approche plus collaborative de la résolution de problèmes, du renforcement des relations et de l'amélioration de la communication et de l'intégration au sein du ministère des Finances et entre les unités travaillant sur des projets d'investissement, notamment avec le PSIP, la PIMU et l'Agence chargée des contrats et de l'administration des projets (PMCA). À la suite de discussions avec la PMCA, l'équipe de la PMCA prévoit d'adopter une approche similaire à celle de la PDIA dans la configuration et le fonctionnement de ses unités.
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