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La conception de la réforme budget-programme au Maroc : défis et leçons tirées

4 juillet 2018
Mouna Bengrine

A la suite de sa participation au séminaire CABRI « S’approprier et diffuser la réforme budget-programme », Mouna Bengrine, Chef de la division de la réforme budgétaire, Direction du Budget du Maroc, partage dans ce blog son expérience dans la mise en œuvre de la réforme budget-programme

Mouna Bengrine Morocco Waemu
(Photo by CABRI)

La réforme des finances publiques est un levier majeur de la modernisation de l’Etat. En cela, celle-ci a pour objectifs d’améliorer l’organisation et le fonctionnement de l’Etat et rendre, ainsi, l’action publique plus transparente, efficace et efficiente.

Afin d’atteindre ces ambitieux objectifs, le Maroc a fait le choix de mettre en place des budgets-programmes axés sur les résultats. Après la promulgation de la Loi Organique relative à la loi des Finances (LOF) en 2015, la réforme budget-programme est effectivement entrée en vigueur en 2018. Ses objectifs sont les suivants :

  • La transition d’une nomenclature basée sur la nature de la dépense vers une nomenclature orientée vers la destination de la dépense (représentée au niveau des programmes budgétaires et des projets/actions) ;
  • Des enveloppes de crédits consacrées à des programmes de politique publique auxquels sont associés des indicateurs de performance ;
  • La responsabilisation des départements ministériels dans leur gestion budgétaire, où les gestionnaires ont des souplesses dans les marges de manœuvre pour atteindre leurs objectifs ;
  • L’évaluation de la performance et la redevabilité des départements ministériels sur l’atteinte des objectifs de politiques publiques.
Les défis de l’opérationnalisation de la réforme au Maroc
1. La construction des programmes budgétaires

Etant donnée l’enveloppe budgétaire limitée de certains départements ministériels et institutions[1], des programmes budgétaires uniques englobant plusieurs politiques publiques ont été mis en place pour éviter la fragmentation budgétaire et permettre aux gestionnaires de bénéficier de marges de manœuvres à l’intérieur du programme. Ces programmes ont dû être déclinés à partir de la stratégie des ministères concernés, ce qui a demandé aux départements, surtout ceux n’ayant jamais développé de document stratégique, de profiter de la réforme pour lancer la réflexion et mettre en place une stratégie claire et chiffrée avec des échéances.

[1] Dont l’intérêt du ministère ou de l’institution est important mais leur budget est inférieur à 0,1% du BE

2. La définition de la performance

Dans l’optique d’un budget axé sur la performance, il est naturel que certains départements tentent de se fixer des objectifs dans leur sphère de contrôle et portant sur la réalisation d’activités ou de produits, plutôt que sur la prestation des services sociaux efficients. Dans ce cadre, le Maroc a pris le parti, dans un premier temps, de partir des objectifs et indicateurs existants et de les modifier, notamment pour rapporter les produits aux moyens, afin d’évaluer l’efficience de la dépense. Cependant, conscient l’importance d’une bonne mesure de la performance, les départements ont initié un travail afin de construire des indicateurs de performance liés à l’efficacité et à la qualité des prestations de service.

3. La portée de la performance aux différentes administrations de l’Etat

La LOF n’a exclu aucun département ou institution de la réforme budget-programme. En conséquence, certains départements ne se prêtaient pas véritablement à la mesure de la performance dans ses trois dimensions (efficacité socio-économique, efficience, qualité de service), puisqu’ils ne délivrent pas de service/prestation publics et ne réalisent pas de politiques d’intervention. Ainsi, le Maroc a dû différencier la notion de démarche de performance pour ces départements afin de définir des indicateurs d’efficience et, dans une moindre mesure, des indicateurs d’activité.

De surcroît, la LOLF n’englobe pas les Etablissements Publics (EP) bénéficiant de recettes affectées ou de subventions de l’Etat dans la réforme budget-programme. Cependant, ces EP mettent en œuvre des politiques publiques des ministères de tutelle pour le compte de l’Etat. Afin d’obtenir une évaluation exhaustive de la performance des politiques publiques, les EP ont été invités à adopter une nomenclature budgétaire selon la destination au même titre que l’Etat et à décliner la performance du département de tutelle au niveau des EP qui contribuent à la réalisation des programmes de la tutelle.

Leçons sur l’expérience du Maroc

Les premiers résultats concernant la première année de pleine application de la réforme budget-programme sont encourageants et démontrent une réelle implication des départements ministériels ainsi qu’une imprégnation de la culture de résultats au sein de l’administration publique marocaine.

Néanmoins, de larges marges de progrès subsistent :

  • En matière de défis technique, il faudrait conduire des exercices de révision des programmes budgétaires et d’amélioration du dispositif de performance, mettre en place une planification stratégique et décliner la performance au niveau des services déconcentrés tout en renforçant leur déconcentration budgétaire.
  • En termes de gouvernance, il s’agit notamment de faire évoluer de manière progressive les organigrammes fonctionnels des ministères pour assurer leur cohérence avec les programmes budgétaires et de consolider le rôle des secrétaires généraux dans la transformation de leurs ministères et dans la mobilisation des moyens pour la réalisation des objectifs en respectant les échéances prévues.
  • Du point de vue culturel et politique, il y a lieu de renforcer la conduite du changement en cherchant des synergies entre les différents intervenants (Finances, Cour des Comptes, Parlement…) et de dynamiser le rôle du Parlement dans le contrôle de l’efficacité de l’action publique.

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